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Sud Ouest

Mais où sont les héroïnes ?

THEATRE
Dans sa dernière pièce, la Rochelaise Odile Grosset-Grange invite filles et garçons à s’identifier à des héroïnes. Et dénonce le sexisme.
« Sud Ouest » Pourquoi les artistes féminines restent très minoritaires dans les festivals ou les plateaux de théâtre ? Aujourd’hui, notre fil rouge s’intéresse à l’égalité femmes-hommes dans les instances culturelles de Charente-Maritime

Ce soir, la Rochelaise Odile Grosset-Grange présente à La Coursive sa dernière création écrite avec son complice, l’auteur anglais Mike Kenny. Dans « Jimmy et ses sœurs », elle interroge la place des filles dans la société. Comédienne formée au Conservatoire national de Paris, la metteure en scène qui a grandi à Villeneuve-les-Salines signe une pièce hautement féministe qui invite les filles comme les garçons à s’identifier à des héroïnes. Une exception dans le spectacle vivant et dans la vie en général, nous dit-elle.

« Sud Ouest » : De quoi traite « Jimmy et ses sœurs ? » 
Odile Grosset-Grange : C’est l’histoire de trois filles qui vivent dans un monde pas si différent du notre, et qui, du jour au lendemain, ne peuvent plus sortir de chez elles parce qu’il y a un danger dehors. Comment vont-elles se sortir de cette situation ? L’une des trois va décider de se déguiser en garçon, elle va découvrir une liberté et va se comporter comme un dominant. Elle ne va plus se préoccuper des problèmes de ses deux sœurs parce qu’elle est du bon côté.

Dans « Jimmy et ses sœurs », les filles sont condamnées à rester enfermées sou prétexte d’être protégées du monde et des loups qui rôdent. Est-ce aussi un miroir de la société telle que vous la voyez ?
Cela reste un monde de contes « Jimmy et ses sœurs » parle d’une société en crise. On comprend au cours de la pièce qu’une femme s’est fait attaquer dans la rue. C’est l’agression de trop et il y a un emballement médiatique. Quelle solution pour protéger les femmes ? Les maintenir à l’intérieur jusqu’à nouvel ordre ou, au contraire, grâce à l’éducation, permettre aux filles de s’affirmer ? La bonne solution pour moi n’est évidemment pas qu’on enferme les filles ni qu’on les sépare tout le monde.

Pourquoi avoir eu envie de mettre en scène des héroïnes ?
Mes deux précédentes pièces mettaient en scène des héros garçons ! Pourquoi, moi qui suis pourtant sensible à ce sujet de la place de la femme, j’avais fait ça pour mes deux premiers spectacles sans m’en rendre compte ?! Avec « Jimmy et ses sœurs » j’ai eu envie de m’interroger sur la place des femmes dans la société. Dans le théâtre jeune public, comme dans le th »âtre classique, les femmes ne se représentent pas en héros. Soit elles s’identifient à un héros masculin, soit à un rôle secondaire qui va soutenir le héros. Or, quand on n’est jamais représenté comme un champion de hip-hop ou une auteur géniale, on ne peut pas s’identifier à un héros. Les femmes veulent devenir comédienne mais jamais metteures en scène. Quand je demande dan une classe qui veut être président de la République, c’est are quand un fille lève le doigt.

C’est une pièce engagée et féministe. Quels messages souhaitez-vous que les jeunes retiennent ?
Qu’ils se posent des questions. On a une histoire de filles qui nous racontent plein de personnages y compris masculins. Les garçons peuvent-ils s’autoriser à ‘identifier à des héroïnes féminines ? C’est aussi l’histoire de trois filles qui vont prendre leur vie en main. Je n’ai pas forcément un message très clair. J’ai juste  une envie de dire que les filles peuvent être des héros, qu’elles peuvent raconter des histoires passionnantes et qu’on est tous égaux !

La sous-représentativité des femmes dans le milieu de la culture reste très forte. Quelle est votre expérience du sexisme ?
C’est toujours une question compliquée… Si l’on parle de harcèlement, je n’en ai pas été victime. Mais du sexisme, bien sûr qu’il y en a partout parce que les mécanises en place sont intégrés et invisibles. Les hommes s’inter-cooptent, les femmes ne s’imaginent pas. Quand je suis entrée au Conservatoire nationale de Paris, trois candidates sur quatre étaient des femmes, ce qui signifie déjà une sélection plus rude entre nous. Mais une fois à l’intérieur, les hommes ont plus de rôles, vont plus vite et les metteurs en scène montent des trucs avec des mecs. Je me souviens qu’à l’époque, il y a vingt ans déjà, des copines avaient demandé à un auteur du Conservatoire de ne pas écrire un rôle de héros avec sa mère, sa fille et sa maitresse. Il n’en a rien fait ! Je suis aussi devenir metteure en scène parce que, passé un certain âge, je rencontrais moins de rôles intéressants. Les hommes ont le droit de vieillir, les femmes beaucoup moins ? Lorsque j’ai commencé à monter « Jimmy et ses sœurs », c’était délicat d’aborder ce sujet avec des directeurs de théâtre. In me disait, « je ne comprends pas bien de quoi tu veux parler », je sentais bien que c’était pour eux un sujet mineur. Les gemmes étaient plus emballées. Tant qu’on ne met pas le doigt sur le problème, on ne le voit pas.

Qu’avez vous pensé du mouvement MeToo ?
J’ai trouvé ça hyper formidable, hyper important. Mais dans le même temps, j’ai eu peur qu’on fasse une espèce de ségrégation, qu’on n’ait plus le droit de s’adresser la parole, ne de se séduire dans la rue…

Comment lutter contre le sexisme dans la culture ?
Il va falloir passer par une politique très volontariste. L’an passé, 91% des textes du « in » d’Avignon étaient écrits par des hommes. 24% des subventions publiques seulement vont à des projets portés par des femmes. Il va falloir trouver le bon dosage.

Agnès Lanoëlle